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Premiers appels publics à l’épargne : une solution à la pénurie de logement au Canada?

10 juin 2025Logement
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Trois personnes portant un casque de protection blanc et un gilet de sécurité jaune regardent une tablette sur un chantier de construction.

Depuis des décennies, le financement de nouveaux logements au Canada suit en grande partie un schéma connu : préventes, prêts bancaires, capital institutionnel et, de plus en plus, mesures incitatives du gouvernement. Toutefois, comme les sources de financement traditionnelles sont de plus en plus restrictives en raison de l’incertitude économique, les promoteurs recherchent d’autres modèles pour libérer une offre indispensable.

Une solution potentielle émerge sous la forme des premiers appels publics à l’épargne (PAPE) pour la promotion immobilière, un nouvel outil de financement qui gagne en popularité. Ce modèle a fait les manchettes à la fin de l’année 2024 avec deux PAPE de grande ampleur : le projet Anthem Citizen dans le district régional du Grand Vancouver et Plazacorp Willowgrove dans la région de Toronto. Ces deux PAPE ont été approuvés par la Banque CIBC et structurés comme des fiducies de promotion immobilière, des instruments de financement immobilier uniques en leur genre qui pourraient servir de plan directeur pour s’attaquer à la crise du logement qui s’aggrave au Canada.

« Les changements politiques, l’augmentation des coûts, les cycles changeants du marché et d’autres facteurs encore créent un défi continu pour les promoteurs immobiliers à la recherche de capitaux, ce qui nécessite une pensée novatrice et créatrice pour lancer des projets », a déclaré Eric Carlson, cofondateur et chef de la direction d’Anthem, dans un communiqué de presse l’an dernier.

Anthem Citizen a levé 82 millions de dollars pour construire ce qui deviendra l’un des plus grands immeubles du district régional du Grand Vancouver. La tour à usage mixte de 66 étages comprendra 372 copropriétés et 273 appartements locatifs, ainsi que des bureaux, des commerces et un hôtel avec 176 suites, dans le contexte d’une tendance croissante d’ensembles résidentiels à forte densité et à usage mixte partout au Canada.

« C’est une excellente façon de repousser les limites du possible et d’adopter une nouvelle approche pour faire bouger les choses en matière de logement », a déclaré M. Carlson.

L’ensemble résidentiel Plazacorp Willowgrove à Markham-Stouffville a obtenu 75 millions de dollars pour le financement d’un projet de 1 000 logements.

Bien que ces PAPE aient été une première pour le Canada, il ne s’agissait pas de la première incursion de la Banque CIBC dans les PAPE dans le secteur immobilier. La banque a approuvé deux opérations semblables pour les États-Unis l’an dernier : la Lantower Residential Real Estate Development Trust et le West Side Square Development Fund. Ces ententes ont fourni des capitaux pour des projets de location à grande échelle en Floride et au New Jersey, contribuant à la construction de milliers de nouveaux logements.

Ces fiducies de promotion immobilière pourraient-elles faire la même chose pour le Canada?

Le marché canadien du logement traverse une période de profonde incertitude. Le pays est simultanément aux prises avec une pénurie massive de logements abordables, tout en ayant de la difficulté à générer de nouvelles offres. Les gouvernements, les promoteurs et les institutions financières sont tous à la recherche de réponses.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime à 5,8 millions le nombre de nouveaux logements devant être construits entre 2022 et 2030 pour rétablir l’accessibilité, ce qui implique un financement total requis de près de 3 000 milliards de dollars. Le Bureau du défenseur fédéral du logement estime que ce chiffre est encore plus élevé. D’après lui, le Canada aura besoin de plus de 9 millions de nouveaux logements au cours de la prochaine décennie pour améliorer considérablement l’accessibilité. Pourtant, malgré le besoin urgent d’accélérer les choses, la construction domiciliaire ralentit.

La SCHL prévoit une diminution des mises en chantier au cours de chacune des trois prochaines années, atteignant en moyenne 240 000 par année au cours de cette période. À ce rythme-là, il nous manquerait encore plus de 4 millions de logements par rapport à l’objectif de la SCHL d’ici la fin de 2027. Combler cet écart d’ici le début de la prochaine décennie serait une tâche quasiment impossible à accomplir.

La hausse des coûts de construction, les contraintes liées à la main-d’œuvre, la lourdeur des formalités réglementaires, le zonage et les frais d’aménagement élevés contribuent tous aux goulots d’étranglement de l’offre. La menace imminente des tarifs douaniers américains pourrait ajouter un autre niveau de risque, ce qui limiterait davantage les perspectives du secteur.

Toutefois, l’accès au financement est récemment devenu l’un des principaux obstacles.

La perte de liquidités est attribuable, entre autres, au nombre croissant de logements en copropriété non vendus dans des marchés à prix élevé comme Toronto, ce qui ralentit l’intérêt des investisseurs et le lancement de nouveaux projets. La surabondance de logements a remis en question le modèle traditionnel de prévente, qui était auparavant un mécanisme de financement clé pour les projets de construction de copropriétés.

Urbanation indique que seulement 10 % des projets de construction de copropriétés lancés pour la prévente au cours des trois derniers mois de 2024 à Toronto ont été vendus, ce qui représente une nette baisse de plus de 50 % par rapport à la moyenne sur 10 ans. Les prix sont trop élevés pour que les petits investisseurs puissent faire de l’argent dans le contexte actuel des taux d’intérêt, mais les promoteurs ne peuvent pas les réduire en raison de la hausse des frais d’aménagement. Résultat? Une grande perte de capitaux touche le marché du logement au Canada.

Les initiatives gouvernementales en matière de location, principalement par l’intermédiaire de la SCHL, contribuent à stimuler la construction de logements locatifs. Les immeubles locatifs représentent aujourd’hui environ 16 % de toutes les nouvelles constructions, soit le niveau le plus élevé à ce jour. Ces programmes sont toutefois assortis de conditions qui peuvent nuire à la rentabilité et sont très sensibles aux priorités politiques changeantes, ce qui en fait une solution incertaine.

Les fiducies de placement immobilier (FPI) résidentiel ont presque toutes cessé de mobiliser des capitaux. En 2024, aucune émission de titres de créance ou d’actions de FPI résidentiel n’a été consignée dans le rapport annuel de S&P Global Market Intelligence sur le secteur.

Difficultés de financement pour les développeurs

Les FPI canadiennes cotées en bourse en dehors du secteur du logement ont enregistré une augmentation des offres de capital l’an dernier, mais elles étaient presque entièrement constituées de dettes, avec une diminution significative de volumes, ce qui témoigne de la façon dont les sociétés immobilières évitent la dilution dans un contexte d’incertitude du marché. Selon Colliers, les FPI n’ont représenté que 8 % de toutes les acquisitions immobilières au Canada l’an dernier, en baisse par rapport à 25 % en 2017.

Par ailleurs, les établissements de crédit traditionnels, qui ont toujours constitué l’épine dorsale du financement du logement, resserrent également les conditions d’octroi de crédit dans un contexte d’incertitude économique.

Selon l’enquête sur la construction de logements locatifs au Canada menée au début de l’année 2024, 85 % des promoteurs ont déclaré avoir de la difficulté à obtenir du financement pour leurs projets.

Par conséquent, les chiffres donnent matière à réfléchir. L’investissement dans la construction d’habitations, rajusté en fonction de la hausse des coûts de construction, est à son plus bas niveau en une décennie, accusant une baisse d’environ 18 % par rapport au sommet atteint en 2021.

Banque du Canada

Si aucune mesure corrective n’est apportée, le Canada court le risque d’empêcher une génération entière d’accéder à la propriété, tout en faisant grimper les coûts du logement des familles à faible revenu à des niveaux insoutenables.

Même si l’accessibilité s’est quelque peu améliorée en raison de la baisse des taux d’intérêt, la part du revenu du ménage consacrée au logement (symbolisée par les barres bleus dans le tableau ci-dessus) demeure à des niveaux historiquement élevés. L’an dernier, près de la moitié des Canadiens ont déclaré être très préoccupés par leur capacité à se payer un logement, selon un sondage de Statistique Canada.

C’est pourquoi les PAPE dans le secteur immobilier étaient si encourageants.

Compte tenu de la volatilité des marchés publics et des restrictions du secteur immobilier, les investisseurs recherchent d’autres façons de préserver les capitaux, de se protéger contre l’inflation et de générer des rendements stables. Les grands fonds de pension et de dotation, y compris le Régime de pensions du Canada (RPC), le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS) et le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO), ont considérablement augmenté leurs actifs immobiliers privés au cours des deux dernières décennies, précisément pour cette raison.

Les immeubles résidentiels à logements multiples privés, un segment clé des placements non traditionnels, ont souvent surpassé les actions et les obligations traditionnelles, tout en conservant une faible volatilité et en offrant une protection contre les baisses.

Par ailleurs, contrairement aux FPI qui gèrent des propriétés productrices de revenus, les fiducies de promotion immobilière permettent aux investisseurs de financer directement de nouveaux ensembles résidentiels; ce modèle a le potentiel de réintégrer des capitaux mis de côté dans le marché.

Anthem Citizen, par exemple, a été structuré de façon à être favorable aux investisseurs en visant des rendements annualisés de 15 à 20 %. Les investisseurs peuvent participer au moyen de comptes enregistrés, comme les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) et les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), ce qui en fait un placement fiscalement avantageux.

Au-delà de l’injection de capitaux, les PAPE dans le secteur immobilier relèvent également un autre défi important : la rapidité. Les ensembles résidentiels traditionnels sont souvent construits par étapes en raison de contraintes de financement. Il peut être nécessaire pour un promoteur de terminer une tour avant de passer à la suivante, ce qui retarde le calendrier global du projet. Les fiducies de promotion immobilière mobilisent les capitaux nécessaires dès le départ et peuvent faire progresser plusieurs étapes simultanément, ce qui permet de livrer les logements sur le marché plus rapidement.

Grâce à l’accès à des capitaux privés, les fiducies de promotion immobilière peuvent entreprendre des projets à grande échelle ayant une incidence importante sur l’offre de logements, procurant des avantages en matière d’envergure et de vitesse.

La récente réussite des PAPE dans le secteur immobilier souligne le potentiel de financement novateur pour aider à sortir le marché canadien de sa stagnation actuelle. Ce faisant, le Canada a l’occasion de transformer sa crise du logement en occasion.

Financement immobilier

L’équipe de la Banque CIBC se compose de professionnels de l’immobilier chevronnés ayant des compétences touchant une gamme de catégories d’actif et qui peuvent vous aider à trouver la solution qui vous convient le mieux.

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Un homme en complet noir et à cravate bleue regarde droit la caméra.

Greg Kay

Directeur général, Services financiers d’investissement, Immobilier

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