Graphique 1: La forte baisse des frais de garde d’enfants au Canada en raison des subventions (à gauche) a aidé les femmes à accroître leur représentation sur le marché du travail (à droite)

Les femmes canadiennes figurent parmi les plus actives sur le marché du travail à l’échelle mondiale, mais leurs gains sur un autre front, celui de la rémunération à ces postes, demeurent plus lents. À cet égard, si l’on examine le niveau de scolarité et la capacité des femmes ayant de jeunes enfants à rester actives sur le marché du travail, certaines tendances au Canada pourraient montrer un futur rétrécissement supplémentaire de l’écart salarial entre les sexes, mais d’autres facteurs nécessiteront davantage de progrès.
Les femmes sur le marché du travail : au Canada, la tasse est plus qu’à moitié pleine
Au sein du G7, le Canada suit l’Allemagne de très près avec son taux de participation des femmes de 76,4 % dans le groupe des 15 à 64 ans. Le verre est donc à moitié plein, mais il y a toujours un écart par rapport à la participation des hommes au Canada, et en comparaison avec certains pays qui figurent en tête de classement.
Le Canada se classe au 13e rang parmi les pays de l’OCDE, les trois pays en tête étant l’Islande, la Suède et les Pays-Bas, qui comptent entre 82 % et 85 % de femmes en âge de travailler sur leur marché du travail. Ces leaders ont notamment en commun d’avoir des services de garde accessibles, un signe encourageant pour la participation des femmes au marché du travail du Canada à l’avenir, compte tenu des efforts accrus du pays visant à élargir l’accès à des services de garde abordables.
L’incidence des garderies subventionnées est claire lorsque l’on compare l’évolution de la situation avec ce qui se passe de l’autre côté de la frontière Canada–États-Unis. En effet, le mandat du gouvernement fédéral visant à proposer des services de garde à 10 $ par jour et la mobilisation active des gouvernements provinciaux ont entraîné une baisse des frais de garde d’environ 25 % au Canada depuis 2019, alors que ceux des États-Unis ont augmenté de plus de 20 % au cours de la même période (graphique 1, à gauche). Cette baisse a contribué à une hausse plus importante du taux de participation des Canadiennes ayant de jeunes enfants (graphique 1, à droite). Toutes les provinces n’ont pas encore connu une réduction complète des frais de garde d’enfants, ce qui donne à penser que d’autres gains de participation devraient se produire à l’avenir.
Un regard sur le passé nous montre que des progrès plus importants étaient déjà en place au cours des décennies précédentes au Canada en matière de participation des femmes à la population active (graphique 2). Le généreux programme de services de garde du Québec et la création de la prématernelle se retrouvent parmi les facteurs de ce rendement supérieur et sont l’une des raisons pour lesquelles l’écart entre le Canada et les États-Unis a été encore plus important pour les femmes ayant des enfants de moins de six ans.
Le Canada et les États-Unis constatent des progrès lents à l’égard de l’écart salarial entre les sexes
En permettant aux femmes dont le taux de rémunération serait autrement trop bas pour couvrir les frais de garde d’entrer sur le marché du travail, les programmes de garderie abordables peuvent, du moins au début, accroître l’écart salarial mesuré entre les hommes et les femmes. Toutefois, ils contribueront à le faire rétrécir à long terme, car les femmes qui ont des enfants ne perdront plus autant d’années d’expérience lorsque leurs enfants sont jeunes, et auront ainsi de meilleures chances de briser le plafond de verre.
En effet, comparativement aux autres pays, l’écart salarial au Canada se situe dans la tranche supérieure (graphique 3). Toutefois, l’intégration des femmes à faible revenu sur le marché du travail au moyen de subventions pour les services de garde d’enfants ne semble pas être l’élément clé, du moins lorsque l’on examine la relation entre les taux de participation au marché du travail et l’écart salarial dans les pays de l’OCDE, où il n’y a aucune corrélation perceptible. Les écarts salariaux sont faibles en Islande et en Suède, même si les femmes affichent les taux de participation les plus élevés. L’écart salarial au Canada n’est pas sensiblement inférieur à celui des États-Unis, malgré un large écart dans la participation au profit du Canada.
Dans le cadre de recherches que nous avons publiées l’an dernier, nous avons constaté que le rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes au Canada a considérablement ralenti au cours des dernières années. Cela semble toutefois être une tendance partagée par le marché du travail américain (graphique 4, à gauche), à en juger par les gains médians des travailleurs à temps plein. Il est à noter que la diminution de la proportion d’emplois relativement bien rémunérés dans des secteurs comme le secteur manufacturier et le départ des hommes de la population active américaine qui en découle font en sorte que l’écart salarial semble plus petit par rapport au Canada (graphique 4, à droite), où la participation des hommes n’a pas connu le même degré d’érosion.
Ce qui se cache derrière l’écart salarial, et les progrès à venir
L’écart salarial entre les sexes n’est pas nécessairement attribuable à des pratiques salariales discriminatoires. Il saisit non seulement les différences salariales entre les travailleurs et travailleuses occupant le même poste, mais aussi les divergences dans les types de professions dans lesquelles les hommes et les femmes sont employés, et la progression des travailleurs et travailleuses dans les échelons au cours de leur carrière.
Le niveau de scolarité, au moins en ce qui a trait aux années de scolarité, devrait favoriser les progrès vers un rétrécissement de l’écart salarial entre les sexes. À l’échelle mondiale, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’avoir fait des études postsecondaires, et cela est vrai au Canada dans une mesure beaucoup plus élevée (graphique 5). Cela devrait être associé à une productivité plus élevée et, par conséquent, à des augmentations salariales sur le marché du travail. Il est possible que cette incidence se fasse encore sentir, car les jeunes femmes sont plus scolarisées que celles qui sont plus âgées sur le marché du travail. À mesure que les travailleuses plus âgées quittent le marché du travail pour partir à la retraite et que les jeunes femmes gravissent les échelons, nous devrions nous attendre à voir un rétrécissement de l’écart salarial.
Toutefois, les domaines d’études des hommes et des femmes peuvent aussi être importants pour combler les écarts salariaux. Le rendement des années d’études dans les domaines des sciences exactes, des affaires, des sciences sociales et des sciences humaines est particulièrement divergent.
En mathématiques et en sciences, qui revêtent une importance croissante compte tenu de l’orientation technologique de l’économie et du rôle des mathématiques dans des domaines comme la finance, les femmes semblent toujours défavorisées par la façon dont ces disciplines sont enseignées et par la combinaison de forces – sociales ou autre – qui ont une incidence sur les choix entre les domaines d’études. Fait encourageant, il n’y a aucune lacune statistiquement significative dans les résultats aux tests PISA sur les sciences pour les garçons et les filles au Canada au niveau de la 10e année. Toutefois, en mathématiques, les résultats médians des filles demeurent inférieurs à ceux des garçons, et il y a un écart plus important au haut de l’échelle, dans le résultat moyen des garçons dans la tranche supérieure de 10 % par rapport à celui des filles dans la même tranche de leur cohorte (graphique 6, à gauche), bien que ce soit dans une moindre mesure que ce que nous observons aux États-Unis. Les disparités entre les sexes sont plus importantes dans les deux pays que dans la moyenne de l’OCDE.
Ce qui est préoccupant, c’est que si nous examinons toutes les femmes du quintile supérieur global des résultats aux tests de STIM en 10e année, une plus petite proportion d’entre elles qui sont très performantes s’inscriront à un domaine des STIM au baccalauréat (graphique 6, à droite). Par conséquent, bien que les Canadiennes détiennent 59 % des diplômes de premier cycle, elles ne sont pas aussi bien représentées dans les domaines des affaires et des STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), détenant 53 % et 40 % des diplômes dans ces domaines, respectivement.
Plus de femmes doivent occuper des postes de direction
Ce ne sont pas seulement les choix de carrière, mais aussi les progrès vers les meilleurs postes dans chaque domaine qui peuvent entraîner des écarts de rémunération. Ici, le Canada a du travail à faire pour réduire l’écart salarial. Dans la tranche supérieure de l’éventail des revenus, l’écart salarial s’est élargi considérablement au Canada au cours des dernières années (graphique 7, à gauche), les augmentations de salaire des personnes dont les revenus sont les plus élevés ayant dépassé la croissance des gains moyens et ces emplois étant toujours davantage occupés par des hommes. Nous avons cerné certaines de ces professions dans le document de l’an dernier sur la Journée internationale des femmes, et nous constatons maintenant que ce développement ne correspond pas à ce que d’autres pays constatent.
Aux États-Unis et dans les pays de l’OCDE, le plafond de verre est devenu moins important depuis le milieu des années 2000, l’écart salarial du neuvième décile se rétrécissant (graphique 7, à droite). Ce manque de progrès au Canada explique en partie le rendement insuffisant pour combler l’écart salarial, malgré le taux de participation élevé des femmes. Par conséquent, il n’y a pas eu de progrès en ce qui a trait à la part des femmes dans les postes de direction depuis 2013, tandis que d’autres pays ont enregistré des gains (graphique 8).
La route devant nous
Alors que nous célébrons la Journée internationale des femmes de 2025, nous pouvons regarder avec fierté le rôle croissant des femmes dans le marché du travail au cours des dernières décennies, non seulement au Canada, mais aussi à l’échelle mondiale. Sur le plan des salaires, les progrès semblent avoir ralenti en ce qui a trait à la réduction de l’écart salarial entre les sexes, mais certains des piliers semblent être en place pour que le Canada se dirige dans la bonne direction. Les services de garde d’enfants abordables et disponibles encouragent un plus grand nombre de femmes ayant de jeunes enfants à demeurer sur le marché du travail, et des recherches antérieures ont démontré que la réduction du nombre d’années sans emploi devrait contribuer à combler l’écart salarial plus tard dans la carrière des femmes. Les femmes accumulent également plus d’années de scolarité que les hommes, ce qui est particulièrement évident pour les jeunes femmes qui, au fil du temps, remplaceront les femmes plus âgées comptant moins d’années d’études.
Toutefois, nous remarquons également que les forces sociales et d’autres forces entraînent encore aujourd’hui des choix professionnels et éducatifs qui pourraient avoir une incidence moins favorable sur les taux de rémunération des femmes, et que les progrès vers une proportion croissante de femmes dans des postes de direction semblent aussi stagner au Canada, alors qu’ils sont en progression ailleurs. Une meilleure compréhension des forces derrière ces tendances pourrait être importante pour déterminer ce qui doit être fait pour veiller à ce que les femmes soient non seulement présentes sur le marché du travail, mais aussi à ce que l’économie utilise pleinement leurs talents.
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