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L’autre boîte à outils macroéconomique

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Il y a deux côtés à chaque médaille, et deux côtés à la manière dont Washington influence les mesures de relance ou les restrictions macroéconomiques. Les marchés seront extrêmement concentrés sur la politique monétaire lorsque la Fed se réunira la semaine prochaine, alors que la direction à court terme semble claire comme de l’eau de roche, seul le calendrier restant à déterminer. Les taux baissent et, bien que nous penchions légèrement vers une réduction d’un quart de point maintenant, et d’un demi-point par la suite, d’une façon ou d’une autre, les taux devraient finir nettement plus bas l’année prochaine. Les prévisions présentées par le « graphique à points » de la Fed en diront long à ce sujet.

Mais il y a cette autre boîte à outils, la politique budgétaire, qui est toujours en jeu, et gronde à l’arrière-plan. Les déficits ont à peine été mentionnés dans le débat présidentiel. Le leader parlementaire, Mike Johnson, finira par trouver un moyen de faire passer un projet de loi provisoire pour maintenir le financement du gouvernement plutôt que de voir une paralysie juste avant les élections. Mais à un moment donné, nous discuterons sérieusement des projets de loi pour l’exercice financier qui commence bientôt et, après les élections, des décisions concernant la situation d’ensemble des impôts et des dépenses.

Comme le montre le parcours de M. Johnson, il y a encore des membres du parti républicain qui sont en faveur de la restriction des dépenses, et c’est Mme Harris qui a mentionné les déficits dans le débat. Toutefois, il est moins évident de savoir si les partis souhaitent réellement limiter les déficits. M. Trump et Mme Harris donnent de l’argent à divers groupes d’électeurs : aux salariés à pourboire au Nevada (tous les deux), aux acheteurs d’une première maison (Mme Harris) et, cette semaine, une proposition de M. Trump concernant des heures supplémentaires libres d’impôt.  Les économistes, même ceux qui veulent aider les Américains à faible revenu, ne sont pas très favorables à ces idées. Pourquoi deux familles ayant le même revenu devraient-elles payer des taux d’imposition différents ou bénéficier d’avantages différents, selon qu’elles reçoivent des pourboires ou seulement un salaire, qu’elles effectuent des heures supplémentaires ou des heures normales, qu’elles achètent leur maison l’année prochaine plutôt que l’année dernière ou qu’elles choisissent de louer, et ainsi de suite?

Bien sûr, chaque candidat s’engage à compenser au moins une partie de ces mesures par d’autres recettes ou réductions de dépenses. Pour M. Trump, il s’agit de réduire le budget du département de l’Éducation, de demander à l’Europe d’assumer une plus grande part du coût de l’aide à l’Ukraine ou de percevoir d’importants droits de douane. Mme Harris s’engage à augmenter les impôts sur des éléments comme les gains en capital (bien que ces hausses soient inférieures à celles du plan de M. Biden) et les revenus personnels de la tranche d’imposition supérieure. Toutefois, bon nombre de ces mesures sont irréalistes ou susciteront probablement suffisamment d’opposition de la part d’une faction du Congrès, qu’il s’agisse du caucus républicain qui se bat actuellement contre son propre leader parlementaire à la Chambre ou des démocrates du Sénat qui lutteront pour conserver des programmes.

Il est impossible de savoir comment la politique budgétaire évoluera vraiment tant que nous ne connaîtrons pas la composition du Congrès après l’élection. Cependant, elle sera de toute façon importante pour la Fed et, par conséquent, pour le marché obligataire. Selon la façon dont ils sont financés, des déficits persistants aux niveaux actuels entraîneront des pressions financières qui pourraient maintenir les taux à long terme à des niveaux élevés et nécessiter des réductions plus importantes des taux d’intérêt à court terme afin de donner assez de carburant à l’activité hypothécaire. Mais la forte croissance du déficit pourrait mener à l’ajout de mesures de relance budgétaire et, par conséquent, permettre à la Fed de réduire son programme d’assouplissement. La forte réduction des déficits pourrait constituer un obstacle économique nécessitant un assouplissement plus important de la politique monétaire. C’est une question complexe.

Cette complexité signifie également que les perspectives du marché obligataire sont plus floues lorsque nous tentons de projeter les rendements à l’horizon 2025. Pour l’instant, la perspective que la Fed commence un jour à réduire les taux d’intérêt de façon anticipée en effectuant quelques changements de 50 points de base devrait suffire à satisfaire le marché obligataire. Mais nous devrons surveiller cette autre boîte à outils politique lorsqu’une entente de financement conclue dans les prochains jours arrivera à expiration et qu’un ensemble complet de projets de loi sera présenté à nouveau.

Les démocrates veulent que cela soit programmé pour décembre, pour être certains d’être toujours aux commandes du Sénat et de la Maison-Blanche, et d’avoir une plus grande emprise sur les niveaux de dépenses. Les partisans de l’austérité du Parti républicain veulent repousser l’échéance au prochain mandat, ce qui pourrait obliger à plus de retenue s’ils prennent le pouvoir dans l’un ou l’autre des organes du gouvernement. Nous aurons bientôt une idée, du moins du côté des dépenses, de ce que nous réserve cette autre boîte à outils macroéconomique.

Contributeurs

Avery Shenfeld

Économiste en chef

Banque CIBC