La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole canadien freine la croissance

Le secteur agroalimentaire du Canada est l’un des moteurs économiques du pays, générant plus de 150 milliards de dollars en PIB et soutenant plus de 2,3 millions d’emplois dans les secteurs de l’agriculture, de la transformation des aliments, de la vente au détail et des services alimentaires. Bien que la pénurie de main-d’œuvre soit une préoccupation croissante dans l’ensemble du système, les pressions les plus graves se font sentir à la base, soit le secteur agricole primaire, qui comprend la production de cultures et d’élevage.
Bien qu’à plus petite échelle, l’agriculture primaire demeure essentielle à la prospérité économique du Canada. En 2023, elle a contribué au PIB du Canada à hauteur de 31,6 milliards de dollars, soit environ 1,4 % du total national, et employait un peu plus de 231 700 travailleurs domestiques, ainsi que 78 079 travailleurs étrangers, selon Statistique Canada. Malgré son rôle essentiel, le secteur a de la difficulté à attirer et à fidéliser la main-d’œuvre.
En 2022, la dernière année pour laquelle des données détaillées sont disponibles, on estime que 28 200 emplois agricoles n’ont pas été pourvus pendant la haute saison, ce qui a entraîné une perte de ventes d’environ 3,5 milliards de dollars, selon les prévisions du marché du travail du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA). Le taux d’inoccupation maximal dans le secteur de l’agriculture primaire a atteint 7,4 % cette année-là, ce qui est bien supérieur à la moyenne nationale de 5,9 %.
Deux employeurs sur cinq n’ont pas été en mesure de pourvoir tous les postes dont ils avaient besoin, et un tiers d’entre eux ont déclaré ne pas avoir reçu une seule demande d’emploi d’un travailleur canadien. Près d’un autre tiers d’entre eux ont déclaré n’en avoir reçu qu’un ou deux.
Bien que d’autres secteurs du système agroalimentaire soient également confrontés à des pressions sur le marché du travail, en particulier dans le secteur des services alimentaires, où les taux de postes vacants sont tout aussi élevés, aucun segment ne connaît la même combinaison de postes vacants persistants, d’objectifs de production manqués et de forte dépendance à la main-d’œuvre étrangère que l’agriculture primaire.
Le CCRHA prévoit que l’écart de main-d’œuvre intérieure dans le secteur agricole augmentera de 15 % entre 2023 et 2030, passant de 87 700 à 101 100 personnes pendant la haute saison. Au cours de cette même période de huit ans, plus de 85 000 travailleurs agricoles canadiens, ou environ 30 % des travailleurs canadiens du secteur, devraient prendre leur retraite, ce qui aggrave le problème.
Conséquences désastreuses
Si elle n’est pas corrigée, cette pénurie de base pourrait compromettre la résilience de l’ensemble du secteur. La pénurie de main-d’œuvre entraîne des retards dans la récolte et la production, des pertes de ventes, une augmentation du stress pour les propriétaires et le personnel, et des plans de ralentissement pour l’expansion et la croissance des exploitations agricoles. En fait, certaines fermes pourraient devoir réduire leurs activités ou fermer complètement.
Le maintien des activités dans un contexte de pénurie de travailleurs pourrait entraîner des coûts plus élevés pour les producteurs, qui seraient inévitablement transmis aux grossistes, aux détaillants et aux consommateurs le long de la chaîne d’approvisionnement.
La pénurie de main-d’œuvre s’étend au-delà des champs des agriculteurs au secteur agroalimentaire dans son ensemble. Le manque de travailleurs dans les usines de transformation et les centres de distribution entraîne des goulots d’étranglement qui ralentissent l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les marchandises périssables peuvent se gâter, ce qui entraîne des pertes de ventes pour les producteurs et des tablettes vides pour les consommateurs.
Mais ce n’est pas seulement le marché intérieur qui en souffre. Le Canada exporte annuellement environ 90 milliards de dollars en produits agroalimentaires, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada. La pénurie de main-d’œuvre menace la capacité du pays à répondre de façon fiable à la demande mondiale. Lorsque les producteurs canadiens ne peuvent pas exécuter leurs commandes, les acheteurs mondiaux peuvent passer à des fournisseurs plus réguliers dans d’autres pays, ce qui risque de nuire aux relations commerciales à long terme du Canada et aux revenus d’exportation.
Recours à des travailleurs étrangers
Le secteur agricole canadien compte de plus en plus sur les travailleurs étrangers pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre, en raison de divers facteurs, comme la demande croissante de main-d’œuvre à mesure que les fermes prennent de l’expansion et la difficulté d’attirer des travailleurs dans les régions rurales éloignées. En 2022, les travailleurs étrangers représentaient 17 % de la main-d’œuvre agricole et jouaient un rôle essentiel dans la production agricole et animale, selon le CCRHA.
Statistique Canada signale que le nombre de travailleurs étrangers dans le secteur de l’agriculture primaire a augmenté considérablement, passant de 53 842 en 2017 à 78 079 en 2024. Bien que la majorité d’entre eux travaillaient dans la production agricole, une grande partie de la croissance au cours de cette période s’est produite dans les secteurs de la volaille, des œufs, du bœuf, des produits laitiers et du porc.
Comment régler le problème
Pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre agricole au Canada, il faudra prendre des mesures concertées sur plusieurs fronts. La priorité la plus immédiate est la réforme de l’accès à la main-d’œuvre internationale. Les producteurs de partout au pays dépendent de programmes comme le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme des travailleurs agricoles saisonniers pour répondre aux besoins essentiels en matière de main-d’œuvre, en particulier pendant les périodes de croissance et de récolte les plus occupées. Ces programmes doivent être modernisés afin d’offrir une plus grande prévisibilité, y compris un traitement simplifié, et des cheminements viables vers la résidence permanente pour les personnes qui souhaitent rester et bâtir une carrière dans le secteur.
Parallèlement, des investissements plus importants dans l’automatisation et l’agriculture de précision contribueront à réduire l’intensité de la main-d’œuvre dans les principaux secteurs de production. Qu’il s’agisse de systèmes de traite robotisés ou d’outils de surveillance des cultures alimentés par l’intelligence artificielle, l’innovation technologique peut aider à atténuer la pression sur la main-d’œuvre tout en améliorant la productivité. Cela est essentiel dans les régions où la main-d’œuvre locale est constamment rare ou où les calendriers de production laissent peu de marge de manœuvre pour les retards. Bien que la technologie ne remplace pas tous les rôles, elle peut réduire considérablement le besoin de travail répétitif et physiquement exigeant.
Un autre pilier clé est le renforcement de la main-d’œuvre nationale. Cela signifie investir dans la formation professionnelle, promouvoir les carrières en agriculture et éliminer les obstacles à l’entrée pour les groupes sous-représentés, y compris les jeunes, les nouveaux arrivants et les communautés autochtones. Les microdiplômes, les programmes d’apprentissage et les occasions d’apprentissage intégré au travail peuvent tous être déployés pour soutenir le recrutement et la fidélisation. Plus que jamais, le secteur a besoin d’une approche proactive en matière de perfectionnement de la main-d’œuvre qui reflète son importance essentielle pour la sécurité alimentaire nationale.
Enfin, en accordant la priorité aux mesures qui améliorent l’attrait global du secteur, nous pouvons nous assurer qu’il demeure concurrentiel pour attirer et retenir une main-d’œuvre qualifiée. En investissant dans des stratégies qui correspondent aux besoins et aux attentes des travailleurs, le secteur peut établir des bases résilientes pour une croissance future.
Il n’existe pas de solution unique à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole. Toutefois, il ne fait aucun doute que le secteur, le gouvernement et les entreprises individuelles ont tous un rôle à jouer pour veiller à ce que l’agriculture canadienne demeure solide maintenant et puisse croître pour l’avenir.
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