Fabriquer une solution de logement: Le rôle que les maisons modulaires pourraient jouer au Canada
Le Canada doit accélérer la construction résidentielle afin d’augmenter l’offre et d’améliorer l’abordabilité, mais une solution qui pourrait s’avérer utile passe inaperçue : les maisons modulaires.
Ce type de maison est doté de modules intégrés en usine, puis expédiés vers un emplacement permanent. Les maisons modulaires d’aujourd’hui comprennent des copropriétés, des maisons en rangée et des maisons unifamiliales individuelles. Elles ressemblent à leurs homologues construites de manière traditionnelle, mais offrent un avantage majeur. En effet, les maisons modulaires peuvent être fabriquées tout au long de l’année et leur construction n’est pas retardée par de mauvaises conditions météorologiques ou une pénurie de main-d’œuvre. La production en intérieur est beaucoup plus rapide et efficace que la construction sur place.
À quel point est-ce plus rapide, exactement?
Lorsque nous avons posé la question à notre client Frank Cairo, cofondateur et cochef de la direction de Caivan, l’un des plus importants producteurs de maisons préfabriquées au Canada, il a affirmé ceci : « Nous construisons de cinq à sept maisons par jour, et chacune d’elles est unique. »
À une époque où le besoin de rapidité est réel, certains experts du secteur estiment que les constructions modulaires peuvent être réalisées de 30 % à 50 % plus rapidement que les constructions traditionnelles.
Nous construisons de cinq à sept maisons par jour, et chacune d’elles est unique.
Les maisons dans les grandes villes canadiennes coûtent maintenant en moyenne 1 million de dollars. Pour rétablir l’abordabilité, le Canada devrait ajouter 3,5 millions d’unités d’habitation d’ici 2030, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Même ce chiffre extraordinaire est sous-estimé, car il ne comprend pas la demande des étudiants et des résidents non permanents. C’est en Ontario et en Colombie-Britannique que le déficit d’offre de logements est le plus important, et il s’accroît au Québec et en Alberta.
Il faut également tenir compte de l’imminence d’une pénurie dans le secteur de la construction traditionnelle : l’industrie de la construction canadienne compte déjà 80 000 postes à pourvoir, une pénurie qui est au cœur des préoccupations des promoteurs avec lesquels nous discutons. 300 000 autres travailleurs de la construction devraient prendre leur retraite au cours de la prochaine décennie. De plus, les coûts de construction ont augmenté de 51 % au cours des dernières années. Les usines, qui peuvent profiter des progrès de l’automatisation, sont mieux placées pour s’adapter à ces réalités. Dans un environnement de production contrôlé, les émissions peuvent aussi être réduites jusqu’à 22 %, à un moment où le Canada cherche des moyens de respecter ses engagements en matière de carboneutralité.
Les logements modulaires doivent faire partie d’un ensemble de solutions à la crise du logement au Canada. Pourtant, le Canada ne semble pas pressé : la construction de maisons modulaires et préfabriquées est demeurée stable pendant des décennies au pays, représentant environ 1 % des logements, selon la recherche de IBIS World. Parallèlement, les maisons préfabriquées dominent déjà le marché de l’habitation en Allemagne, en Suède et au Japon.
Dans le budget fédéral de 2024, le gouvernement canadien a inclus un soutien aux maisons modulaires dans le cadre de ses efforts pour résoudre la crise de l’abordabilité. Il a affecté 50 millions de dollars de nouveaux fonds à un Fonds pour l’innovation et la technologie en construction résidentielle, dans le but de collaborer avec le secteur privé et d’autres gouvernements pour développer, commercialiser et adopter de nouvelles techniques de construction de logements, y compris des maisons modulaires et préfabriquées. Dans le cadre d’un autre programme fédéral, le Programme de prêts pour la construction d’appartements de la SCHL, on affectera également au moins 500 millions de dollars pour fournir un financement à faible coût aux fabricants d’habitations préfabriquées qui prennent en charge des projets de logements locatifs.
Bien que ces investissements soient les bienvenus, le financement à lui seul ne créera pas un boom dans le secteur de la construction de logements préfabriqués ou de logements traditionnels. L’obstacle le plus important est la mosaïque de systèmes locaux d’autorisation de construction, à l’échelle municipale et provinciale, qui ralentit le développement de tous les types de logements. La fabrication est un processus particulièrement exigeant en investissements et les constructeurs comme Caivan auraient besoin d’une plus grande certitude réglementaire pour être sûrs qu’il est financièrement rentable de passer à l’échelle supérieure. Les nouveaux acteurs seraient également plus enclins à intégrer le secteur s’ils voyaient une manière claire de s’y retrouver dans le processus d’aménagement de terrain et d’obtenir des autorisations. Jusqu’à présent, il n’existe pas de tel mécanisme.
Malgré la lenteur des débuts du Canada dans ce domaine, nous fabriquons des logements plus rapidement et à moindre coût que nos homologues européens plus expérimentés. En Allemagne ou en Suède, une usine de fabrication ne produit qu’une fraction du nombre de maisons produites par une usine canadienne : peut-être deux ou trois maisons par semaine, comparativement à cinq ou sept maisons par jour chez Caivan. En fait, M. Cairo a récemment effectué une visite guidée d’entreprises manufacturières allemandes qui étaient venues à Ottawa pour en savoir plus sur le processus de Caivan.
« Ces entreprises tentent de comprendre comment on fait pour que la construction soit si rentable », affirme M. Cairo.
Toutefois, les maisons modulaires ne peuvent pas à elles seules rétablir l’abordabilité du logement. Par rapport à la construction d’une maison traditionnelle, les acheteurs peuvent probablement économiser de 10 % à 20 % sur les coûts des matériaux et de la main-d’œuvre, mais d’autres coûts connexes, comme ceux liés au coût des terrains et à l’approbation des permis, sont toujours élevés. Les maisons modulaires permettent de réaliser des économies à long terme : elles sont construites avec plus de précision et sont beaucoup plus efficaces sur le plan énergétique que les maisons traditionnelles.
Jusqu’à présent, aucun pays n’a encore réussi à mettre au point un système de maisons modulaires. Cela signifie que le Canada peut ouvrir la voie. Si nous parvenons à renforcer le soutien au capital et à mettre en place une réglementation adéquate, nous serons en mesure d’étendre cette solution de manière à ce qu’elle ait une incidence significative sur le logement au Canada.