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Elle vous fera plus de mal qu’à nous

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Le Canada prend des mesures pour s’engager dans la lutte contre la menace imminente de tarifs douaniers imposés par les États-Unis, et une liste d’éventuelles représailles tarifaires sur les produits américains est en cours de préparation dans le cadre de cet effort. Toutefois, l’histoire et les faits sur le terrain portent à croire que, à eux seuls, les tarifs douaniers canadiens ne voudront pas dire grand-chose, et ces propos n’ont pas eu beaucoup d’incidence sur le président élu jusqu’à maintenant.

Pour la même raison que presque tous les économistes détenteurs de cartes croient que les tarifs douaniers seront un facteur négatif pour l’économie américaine, dans l’ensemble, les représailles tarifaires du Canada nuiront à notre propre économie. Il n’y a pas d’industrie canadienne du jus d’orange qui peut profiter des tarifs douaniers sur le jus de la Floride. Envie d’un jus de pomme fraîchement pressé au déjeuner? Nous infligeons donc des difficultés à nos consommateurs ou à nos entreprises qui utilisent des intrants américains pour nuire aux exportateurs américains.

Le problème, c’est que Trump comprend probablement que, dans une guerre bilatérale de tarifs douaniers, cela nous fera plus de tort que de mal. Oui, nous sommes un important marché d’exportation pour de nombreux secteurs aux États-Unis. Toutefois, en pourcentage du PIB, un seul État américain dépend davantage des exportations vers le Canada que la province canadienne qui dépend le moins des États-Unis (graphique).

Graphique Exportations de marchandises des provinces canadiennes (des États américains) vers les États-Unis (le Canada) en % de PIBSource: Statistique Canada, BEA, Banque CIBC

Le Canada sera en meilleure position si les États-Unis imposent des tarifs douaniers sur toutes leurs importations et si nos représailles tarifaires font partie d’un effort conjoint visant à entraver les exportations américaines vers le Canada, le Mexique, l’Europe et l’Asie. Cela nuirait aux secteurs américains sensibles sur le plan politique, comme l’agriculture. Malgré tout, les États-Unis dépendent moins des exportations que les petites économies.

Ce qui fait vraiment mal aux États-Unis, c’est que, dans le cas de nombreux produits, les consommateurs et les importateurs américains de produits intermédiaires devront simplement payer plus cher pour ce qu’ils ne peuvent pas produire au pays, ou ils réaffecteront de la main-d’œuvre des secteurs d’exportation où les États-Unis ont des avantages concurrentiels à des secteurs où ils présentent des faiblesses, un point qui semble avoir échappé aux faucons américains du commerce extérieur. Ce qui a aidé le Canada à échapper aux tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium lors du premier mandat de Trump, ce sont les plaintes des secteurs américains qui utilisaient le métal importé comme intrant, mais cela n’est devenu évident pour les décideurs américains qu’après la mise en place des tarifs.

Si la menace de représailles tarifaires n’est pas suffisante, quelles autres armes pouvons-nous utiliser? Le premier mandat de Trump porte à croire que la carotte pourrait mieux fonctionner que le bâton. La Chine a acheté du temps en acceptant une longue liste d’achats de marchandises américaines, même si elle n’a jamais respecté sa promesse. Le Canada a accepté de permettre l’entrée de plus de produits laitiers américains sur son marché et d’accroître le contenu nord-américain dans les automobiles au-delà de ce qui était exigé en vertu de l’ALENA. Nous pourrions maintenant créer notre propre liste d’achats pour le matériel de défense américain, les voitures de métro, les avions et ainsi de suite, des secteurs où le gouvernement devra faire des achats, ce qui permettra à l’équipe Trump de clamer victoire.

Nous pourrions aussi utiliser le bâton en plus des représailles tarifaires, en misant sur la possibilité d’un public canadien uni qui sera fâché lorsqu’il verra la croissance stagner et le dollar canadien dégringoler. Les boycottages de marques américaines importantes et les choix de voyage qui favorisent les Caraïbes ou le Mexique au lieu de la Floride ou de la Californie pourraient bien survenir d’eux-mêmes, et les Européens et les citoyens d’autres pays pourraient bien se joindre à nous dans cette tendance.

En fin de compte, un taux de change flexible est notre arme de dernier recours, car il préserve une partie de notre part de marché d’exportation. Les États-Unis continueront de recevoir des capitaux étrangers en dollars américains pour financer leur important déficit budgétaire ou pour acheter des actifs privés américains. En cas de guerre commerciale, le dollar américain grimpera à mesure que les importations ralentiront, ce qui se traduira par un déficit commercial qui contrebalancera l’excédent de son compte de capitaux. En fait, la balance des paiements doit s’équilibrer. Les réductions de taux d’intérêt visant à stimuler la demande intérieure au Canada et en Europe donneront aussi un coup de pouce au dollar américain.

Dans ce contexte, la dépréciation du dollar canadien fera en sorte que nos travailleurs et d’autres intrants deviendront moins chers en dollars américains, ce qui permettra à nos exportateurs d’absorber une partie des tarifs douaniers. Mais cela aussi nous nuira, car nous paierons plus cher pour le jus d’orange ou les voyages en Floride que nous pouvons encore nous permettre d’acheter.

Études économiques CIBC

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Contributeurs

Avery Shenfeld

Économiste en chef

Marchés des capitaux CIBC