Comment la technologie aide les agriculteurs à nourrir un monde en évolution
Le paysage de l’agriculture canadienne évolue rapidement : l’almanach des fermiers n’est plus d’actualité et les feuilles de calcul Excel sont l’outil prisé. Aujourd’hui, un agriculteur qui s’y connaît en technologie peut utiliser des semeurs guidés par GPS pour espacer de manière précise les semences et des capteurs intelligents afin de surveiller la santé de chaque animal. Avec ces outils agricoles de précision à notre disposition, nous croyons que le Canada pourrait se hisser au rang de superpuissance agricole et stimuler la croissance économique dans un monde en rapide évolution.
L’agriculture primaire, soit le travail effectué dans les limites d’une ferme, d’une pépinière ou d’une serre, est un moteur économique à l’échelle du pays. Le PIB s’élève à environ 36,3 G$ (1,8 %), et 189 874 fermes ont créé 249 900 emplois. Les fermes couvrent environ 62,2 millions d’hectares, soit 6,2 % de la superficie du Canada, et sont concentrées dans les Prairies, le Québec et le sud de l’Ontario. La taille moyenne des fermes agricoles au Canada a presque doublé au cours des 50 dernières années en raison de la consolidation et des progrès technologiques.
Comme l’insécurité alimentaire s’aggrave au pays et à l’étranger, il est urgent d’augmenter la production de nos fermes. Le Canada doit produire plus d’aliments, de manière plus efficace et dans des conditions extrêmes. Pouvons-nous relever ce défi?
Les défis
Les fermes ont toujours connu de bonnes et de mauvaises années, mais dans les années 2020, les changements climatiques ont accentué cette réalité extrême. En 2021, la sécheresse dans l’Ouest canadien a fait chuter la production de blé à 16 millions de tonnes, comparativement à 26 millions en 2020. Puis, en été 2023, d’énormes quantités de pluie ont inondé les champs au Québec. En août, la province avait reçu près de 2 500 signalements de dommages causés par des conditions météorologiques aux fermes de culture de fruits, de légumes et de céréales. Il y a dix ans, au cours de la même période, moins de 1 800 signalements avaient été effectués.
Les catastrophes climatiques surviennent à un moment où le Canada dispose de moins de terres agricoles. Selon le Recensement de l’agriculture, les dix provinces perdent des terres arables depuis des décennies, principalement en raison de l’urbanisation. À l’échelle nationale, la superficie totale déclarée a diminué de 8 % au cours des deux dernières décennies, passant de 68 millions d’hectares en 2001 à 62 millions en 2021. Au cours de la même période, les terres arables australiennes ont fait le contraire : au lieu de perdre six millions d’hectares, le même nombre a été ajouté. Cette tendance exerce des pressions encore plus fortes sur le Canada pour qu’il adopte les meilleures technologies que ses concurrents. Plus particulièrement, le Brésil est en train d’élargir ses terres cultivées au rythme le plus rapide au monde, avec une croissance annuelle de 2,6 %.
Le secteur agricole canadien fait aussi face à une pénurie de main-d’œuvre grave et chronique qui date de plusieurs décennies. Au cours de la période de pointe de 2022, plus de 28 200 emplois n’ont pas été pourvus, ce qui s’est traduit par des ventes perdues estimées à 3,5 milliards de dollars. La pénurie pourrait s’aggraver, alors que de nombreux intervenants du secteur envisagent la retraite : l’âge médian des exploitants agricoles au Canada a atteint 58 ans en 2021.
Malgré ces difficultés, le Canada ne suit pas le rythme de ses concurrents en ce qui a trait aux investissements publics dans la recherche et le développement en agriculture. Le Brésil est maintenant l’un des pays les plus dépensiers au monde, rejoignant la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et l’Inde. Les investissements publics australiens dans la recherche et le développement en agriculture ont aussi augmenté de façon soutenue au cours des 10 dernières années. Les agriculteurs canadiens ont indiqué être frustrés de voir qu’on s’attend à une plus grande production d’aliments en utilisant moins de terres dans des conditions plus difficiles (et en émettant moins d’émissions), sans les investissements gouvernementaux équivalents.
Au cours des 40 prochaines années, le monde devra produire l’équivalent de tous les aliments produits au cours des 10 000 dernières années.
Les occasions
Cela ne veut pas dire que l’agriculture canadienne n’a aucune chance. Ces problèmes sectoriels sont flagrants, croissants et peuvent être réglés. Nous devons prendre du recul et reconsidérer le qui, le quoi, le où, le quand, le pourquoi et le comment de la croissance.
La demande augmente pour les types d’aliments que les agriculteurs et les transformateurs canadiens peuvent produire, comme les viandes, les céréales, les oléagineux, les fruits, les légumes, les légumineuses et les aliments transformés.
Parmi les principaux avantages de l’agriculture au Canada, mentionnons l’abondance des terres et des ressources en eau, l’accès aux marchés internationaux, une solide capacité de recherche et de développement, une solide réputation mondiale en tant que fournisseur fiable d’aliments salubres de première qualité et de solides gestionnaires de la terre.
Nous savons que les investissements en capital dans les bonnes technologies augmenteront la productivité.
Fait positif, le Canada est reconnu comme l’un des chefs de file mondiaux du secteur des technologies agricoles. La valeur marchande de l’agriculture de précision au Canada a atteint 870 M$ en 2021. L’agriculture de précision désigne un nouvel ensemble de technologies de gestion agricole, ainsi que des données et des analyses, qui sont utilisées pour accroître l’efficacité, la production et la durabilité dans le secteur. Ces outils comprennent les GPS, les capteurs, les instruments robotiques, les drones, les véhicules autonomes et les logiciels.
Un secteur plus standardisé comme celui de l’automobile peut s’unir derrière une stratégie de croissance, mais l’agriculture est composée de près de 200 000 fermes individuelles; ce qui fait en sorte que chacune a besoin de sa propre stratégie pour saisir ses occasions et relever ses défis. En 2021, environ un quart des producteurs de céréales et d’oléagineux utilisaient une application d’intrants à taux variable et un système d’information géographique pour la cartographie. Les premiers utilisateurs de ces outils seront récompensés, mais les plus petites exploitations pourraient accuser un retard en raison des coûts initiaux, du manque de clarté du rendement du capital investi et de la complexité de la mise en œuvre. Le secteur doit attirer de nouvelles personnes possédant les compétences nécessaires à l’agriculture et qui sont prêtes à faire passer la production à un niveau supérieur.
Il est important de se rappeler que cette transformation ne s’arrête pas une fois que les cultures sont récoltées. Il faudra investir dans toute la chaîne de transformation des aliments pour ajouter de la valeur. À l’heure actuelle, des marchandises comme les céréales, les oléagineux et la viande rouge sont exportés pour être transformés dans d’autres pays, puis revendus aux Canadiens sous forme de nouveaux produits. Nous n’avons pas construit l’infrastructure nécessaire pour poursuivre la transformation nous-mêmes et nous aurions besoin d’une main-d’œuvre plus qualifiée pour la faire fonctionner.
Faire les choses autrement
Nous avons atteint un moment charnière pour l’avenir de l’agriculture canadienne au milieu des années 2020. Pour en tirer parti, il faudra des investissements, des ressources, du soutien gouvernemental et des consultations approfondies avec les agriculteurs.
Les agriculteurs canadiens sont confrontés à des pressions concurrentes : ils doivent augmenter les rendements malgré les pénuries de terrains et de main-d’œuvre, investir dans de nouvelles technologies malgré des marges étroites et une hausse des coûts ainsi que composer avec l’évolution de la demande sur le marché et des conditions climatiques dans un secteur qui s’appuie sur les traditions.
La première étape sera de comprendre la nécessité du changement, les raisons qui y sont liées et les occasions qui s’offrent aux agriculteurs.