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Analyse du lundi matin… un vendredi

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La bonne nouvelle est que la politique monétaire canadienne a pris la voie de l’assouplissement, ce qui devrait permettre un retour au plein emploi d’ici 2026. Bravo! Toutefois, pardonnez-nous si nous faisons un petit retour en arrière comme un lundi matin, en nous demandant si, avec le recul, les difficultés économiques infligées par les taux d’intérêt élevés, dont l’objectif était de ramener l’inflation à 2 %, étaient réellement nécessaires.

Cela ne veut pas dire qu’une approche moins douloureuse aurait été facilement envisageable en 2022. Les opinions divergeaient quant à l’ampleur de la hausse des taux d’intérêt nécessaire pour ralentir l’économie, mais lorsque l’inflation « transitoire » a commencé à paraître moins temporaire, les économistes ont presque unanimement affirmé que la maîtriser ne se ferait pas sans douleur. D’ailleurs – même si nous n’étions pas de ceux-là, tout comme le gouverneur Macklem – beaucoup jugeaient qu’une récession aux États-Unis, au Canada et en Europe serait le seul remède. Toutefois, cette douleur a-t-elle été déterminante pour la désinflation qui a suivi?

La comparaison de la situation économique aux États-Unis, au Canada et dans les principaux pays européens suggère fortement que l’inflation observée n’était pas vraiment causée par la surchauffe de l’économie; l’inflation et les attentes en la matière se sont évaporées lorsque les perturbations de l’offre se sont résorbées. Au Canada, dans la zone euro et au Royaume-Uni, l’économie a suffisamment ralenti pour créer une importante capacité économique inutilisée, comme le montrent les données du FMI sur l’écart de production (graphique). Cette institution estime que le PIB des États-Unis dépasse son potentiel de manière encore plus marquée qu’en 2022. Le taux de chômage de 4,1 % aux États-Unis n’est que légèrement supérieur à notre estimation de l’indice de référence du plein emploi neutre sur l’inflation (IRPENI), alors que le taux de chômage de 6,5 % au Canada est beaucoup plus élevé que notre IRPENI (environ 5,8 %).

Pourtant, dans tous ces pays, l’inflation diminue fortement. Les mesures disponibles ne sont pas exactement comparables, car le suivi du coût du logement est différent, et les banques centrales n’ont pas les mêmes cibles, la Fed préférant l’indice des prix des dépenses personnelles de consommation (PCE) et la Banque du Canada, l’IPC. Dans la zone euro, au Royaume-Uni et au Canada, l’IPC est légèrement inférieur à 2 %. Bien que l’inflation aux États-Unis soit de 2,5 %, le PCE semble descendre vers 2 %, malgré le fait que l’économie continue d’avancer avec une croissance du PIB réel d’environ 3 %.

Pourtant, en 2022, le point de vue de la Fed n’était pas différent de celui de la Banque du Canada. Les deux banques centrales tentaient de freiner considérablement la croissance tout en évitant une récession généralisée. La Fed a juste eu de la chance, car la croissance a mieux résisté que prévu, malgré un resserrement plus musclé qu’au Canada.

Cela est-il sans importance maintenant? Pas vraiment. Il faut se souvenir que lorsque les banques centrales doivent décider à quel rythme détendre leur politique monétaire, elles doivent évaluer le risque posé par une réduction trop faible des taux d’intérêt, qui laisserait une importante capacité inutilisée, ou trop forte, qui relancerait l’inflation. Avec le recul, nous savons que ce dernier était beaucoup moins menaçant. En fait, l’inflation peut ne pas être très sensible à une demande un peu trop forte, dans la mesure où l’offre n’est pas perturbée. Divers chercheurs américains ont abondé dans ce sens lorsqu’ils ont estimé que la courbe de Philips était relativement plate, avec une faible réaction de l’inflation, sauf en cas de forte surchauffe du marché de l’emploi.

La Banque du Canada procède à son propre examen de sa politique monétaire post-pandémique. Espérons qu’elle parvienne à la même conclusion et qu’elle conserve ce qui semble être un calendrier raisonnable de baisses des taux d’intérêt au cours de la prochaine année. De plus, selon la même logique, la Fed ne devrait pas envisager de pause dans sa réduction graduelle des taux à ce stade-ci.

Contributeurs

Avery Shenfeld

Économiste en chef

Marchés des capitaux CIBC