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À la recherche de diversification : Le Canada peut-il réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis?

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La dépendance du Canada à l’égard des exportations vers les États-Unis n’est pas seulement élevée sur le plan mathématique : à environ 75 %, elle se démarque comme l’une des bases d’exportation les plus concentrées sur le plan géographique à l’échelle mondiale (graphique 1). Les récentes menaces de tarifs douaniers ont à juste titre attiré l’attention sur ce problème et accéléré les appels à l’action en faveur de la diversification. Toutefois, pour diversifier les exportations ailleurs qu’aux États-Unis, il faudra d’abord renverser la tendance récente, dans laquelle le flux des échanges commerciaux au sud de la frontière a augmenté, et rétablir les liens commerciaux avec les clients d’autres pays et provinces. L’histoire montre qu’il est possible d’obtenir une plus grande diversification, mais cela ne se produira pas du jour au lendemain.

Renverser la tendance

L’importante dépendance commerciale du Canada avec les États-Unis reflète en partie un niveau élevé de concentration dans deux secteurs clés, : l’énergie et l’automobile. En ce qui concerne les exportations d’énergie, cette dépendance se poursuivra à moins que de nouveaux oléoducs se dirigeant vers l’est soient approuvés et installés. Bien que les récentes menaces de tarifs douaniers de la part des États-Unis semblent avoir accru l’enthousiasme à l’égard de ces oléoducs, il faudra un certain nombre d’années pour réaliser des progrès, s’il y en a.

Graphique 1 : La concentration des exportations du Canada se démarque à l’échelle mondiale

Source : Banque mondiale, Banque CIBC

Pour le secteur de l’automobile, la forte dépendance reflète plus généralement la nature étroitement imbriquée du secteur automobile nord-américain, car les automobiles et les pièces traversent les frontières à différentes étapes de la construction. Cela signifie que la contribution des automobiles au PIB apparaît beaucoup plus importante lorsqu’on la juge comme une part des exportations (3 % du PIB) que comme une part de la production (moins de 1 %). Cela ne veut pas dire que le secteur de l’automobile n’est pas important, loin de là. Mais son inclusion dans le portrait global des exportations favorise la dépendance commerciale globale du Canada avec les États-Unis.

Cependant, en ce qui concerne les tendances récentes des exportations, les échanges commerciaux liés aux secteurs de l’automobile ou de l’énergie ne constituent pas la principale préoccupation. Ce qui est plus inquiétant, c’est que, à l’exclusion de ces deux secteurs à forte dépendance, la proportion des exportations destinées à des pays autres que les États-Unis a diminué régulièrement au cours de la dernière décennie. À l’exclusion des secteurs de l’automobile et de l’énergie, la concentration des exportations vers les États-Unis a atteint un creux de 60 % il y a un peu plus de dix ans, mais cette proportion augmente régulièrement depuis (graphique 2).

Graphique 2 : Les exportations, à l’exclusion des secteurs du pétrole et de l’automobile, sont devenues plus dépendantes des États-Unis au cours de la dernière décennie

Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Graphique 3 : Certains secteurs ont chuté bien en deçà de leur sommet de diversification

Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Certains secteurs qui avaient déjà réalisé de solides progrès en matière de diversification ont connu beaucoup moins de succès récemment. Les exportations hors États-Unis de produits forestiers, de matériaux d’emballage de construction, ainsi que de machines et de pièces industrielles, ont avoisiné au plus haut 40 % du total. Elles sont de nouveau en dessous de 20 % (graphique 3). À leur sommet, près des deux tiers des exportations de produits agricoles et de produits alimentaires intermédiaires avaient été envoyés à des pays autres que les États-Unis, mais cette proportion a diminué pour atteindre environ 50 % à l’heure actuelle.

Cette tendance préoccupante reflète en partie un changement dans le contexte politique mondial, en particulier la détérioration des relations commerciales avec la Chine et les sanctions imposées à la Russie. Toutefois, en examinant en détail les exportations de produits forestiers ainsi que d’emballage et de machines industrielles, nous constatons que ces deux pays ne peuvent pas expliquer entièrement le décrochement que les exportateurs canadiens ont connu quant aux échanges commerciaux hors États-Unis. Dans le cas du Canada, les exportations vers d’autres pays (hors États-Unis, Chine et Russie) ont également chuté, tandis que pour les machines industrielles, la croissance des exportations vers ces pays a été minime par rapport à la flambée observée dans les échanges commerciaux avec les États-Unis (graphique 4).

Graphique 4 : La Chine et la Russie ne sont pas la seule raison de la faiblesse du commerce hors États-Unis

Graphique 4 (à gauche) : Graphique à barres montrant les échanges commerciaux par pays dans le secteur forestier. Graphique 4 (à droite) : Graphique à barres montrant les échanges commerciaux par pays dans le secteur des machines industrielles.
Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Bien entendu, la plus grande part des échanges commerciaux destinés aux États-Unis aujourd’hui par rapport à il y a dix ans pourrait en partie refléter le fait que l’économie américaine a surpassé les autres économies industrialisées. Cette croissance de la demande, combinée à l’avantage géographique évident, a permis aux sociétés qui exportent vers les États-Unis d’intensifier ces livraisons.

Toutefois, cela ne semble pas être la seule raison, et un autre facteur contributif semble être la diminution du nombre de liens commerciaux que les exportateurs canadiens pouvaient avoir avec d’autres pays. L’examen des données sur la proportion de sociétés qui exportent (plutôt que la valeur des marchandises elles-mêmes) montre qu’entre 2006 et 2020, environ 85 % des exportateurs ont envoyé des marchandises vers les États-Unis et qu’à peu près la même proportion avait des liens avec au moins un autre pays (graphique 5). Malheureusement, la proportion de sociétés exportant avec au moins un autre pays est passée sous la barre des 70 % récemment. Le nombre de sociétés qui exportent vers l’Asie et l’Europe est à son plus bas en plus de 20 ans (graphique 6). Pour que certaines sociétés se diversifient, il faudra donc établir de nouveaux liens commerciaux, plutôt que d’essayer simplement d’élargir ceux qui existent déjà.

Graphique 5 : Moins d’exportateurs ont des échanges commerciaux avec des pays autres que les États-Unis

Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Graphique 6 : Le nombre de sociétés qui exportent vers l’Europe et l’Asie est à son plus bas niveau en 20 ans

Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Un moment d’introspection

La réduction de la dépendance des exportations canadiennes à l’égard de la demande américaine ne signifie pas seulement que l’on doit effectuer une diversification vers d’autres pays. Cela signifie aussi essayer d’améliorer les flux commerciaux entre les provinces. Bien qu’il s’agisse d’un objectif louable, nos prochaines recherches montreront que l’atténuation des obstacles interprovinciaux pourrait ne pas stimuler autant le PIB global que certains l’ont laissé entendre.

Il est vrai qu’au début des années 1980, le commerce interprovincial et le commerce international affichaient une proportion à peu près égale dans le PIB. Cependant, bien que les exportations vers d’autres pays aient augmenté en pourcentage de l’économie, les échanges commerciaux entre les provinces ont diminué d’un montant semblable (graphique 7). Cependant une partie de ce changement reflète le rôle des importations, y compris celles de la Chine et d’autres marchés émergents, qui ont supplanté la production canadienne de biens de consommation comme les vêtements, et la part croissante de l’activité du secteur canadien des biens dans des secteurs industriels comme l’énergie, où le commerce a une orientation nord-sud. Sans une réorientation majeure, la ventilation de notre composition industrielle actuelle pourrait maintenant être moins propice à une expansion du commerce est-ouest dans le pays.

ng share of Canadian goods sector activity in industrial sectors like energy where trade is oriented north-south. Without a major reorientation, the composition of our current industrial mix may now be less amenable to an expanded role for east-west trade within the country.

Graphique 7 : Le commerce interprovincial a reculé, tandis que les exportations internationales ont augmenté en part du PIB

Source : Statistique Canada, Banque CIBC

Recherche de diversification

Il est évident qu’il faut se diversifier et devenir moins dépendants de la demande américaine, mais cette diversification sera difficile à réaliser. Certaines sociétés ne peuvent pas simplement essayer d’accroître leurs exportations vers d’autres pays; elles doivent plutôt établir ou rétablir des relations dans d’autres pays. L’augmentation du commerce interprovincial pourrait contribuer à réduire notre dépendance à l’égard de la demande américaine, mais l’ampleur de ces occasions est probablement limitée par des réalités géographiques et notre composition industrielle. La bonne nouvelle, surtout sur une base sectorielle individuelle, c’est que nous avons déjà été en mesure de réaliser une plus grande diversification des échanges commerciaux. Nous devons reproduire cette réussite passée plus généralement à l’échelle de l’économie.

Études économiques CIBC

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Contributeurs

Andrew Grantham

Économiste principal

Marchés des capitaux CIBC